Sans fer… Pourquoi, comment ?

Lombard pied nu

Sans fer… Pourquoi, comment ?

Les pieds sans fers :

Le sabot est un organe fonctionnellement spécifique et hautement complexe. Il s’est développé et adapté à des exigences imposées par l’environnement naturel durant des milliers d’année. Les fonctions principales du sabot sont :
– La protection les structures internes
– La proprioception (prise et tenue de l’équilibre sur tous terrains)
– L’amortissement des chocs
– La circulation sanguine.

Dégâts causés par la ferrure à court et moyen terme :

Schéma pied nu– Le fer rend complètement inopérante la proprioception du pied qui ne reçoit alors plus que la vibration uniforme du fer. Cela désoriente le cheval qui ne sait plus ce qui se passe au niveau de son doigt. Il devient insensible et marche n’ importe où sur n’importe quel sol sans discernement. Si le seul point de contact est une pierre d’un côté du fer, la pression se distribue uniformément le long de sa surface d’où faux pas, glissades et trébuchements.

– La paroi devient vite plus longue qu’elle ne le ferait dans la nature, ce qui crée des forces anormales à l’intérieur de la boîte cornée avec étirement destructeur des lamelles liant le chorion et la corne.

– Le poids du fer double le poids normal de la boîte cornée, ce qui augmente considérablement la force centrifuge qui s’applique au pied. Les forces appliquées aux pieds articulations, tendons et ligaments sont donc doublées, ce qui est particulièrement dangereux, surtout à grande vitesse.

– Les clous détruisent la paroi en transportant les vibrations dues au fer et en ouvrant des trous qui sont des portes ouvertes à l’ammoniac des litières et tous autres micro-organismes indésirables. De plus, ils transportent le froid vers l’intérieur du sabot, ce qui y entraîne une diminution du métabolisme cellulaire qui altère la qualité de la ligne blanche et entraîne à la longue la maladie de la ligne blanche.

– Le fer entraîne un risque aggravé de blessure pour le cheval et pour ses congénères ainsi que pour l’homme.

– La mauvaise circulation du sang induite par la ferrure entrave l’alimentation de la corne, ce qui provoque une corne cassante, une sole fine et une fourchette ayant tendance à pourrir.

– Le sabot ne pouvant pas s’élargir dans son ensemble, la force d’impact est transmise directement au bourrelet périoplique et peut y causer des inflammations, de plus, si la paroi est trop longue, elle se déforme en arc de cercle vers l’intérieur du pied en venant pincer le chorion sur la 3éme phalange.

– La vibration d’un fer sur terrain dur est de 800 Hz, on s’approche donc des ultrasons. Les vibrations à une telle fréquence endommagent les tissus vivants et provoquent des problèmes neurologiques tels que fourmillements et perte de sensation.

Dégâts causés par la ferrure à long terme :

– le sabot ferré perd 70 à 80 % de sa capacité d’absorption des chocs. Les impacts sont donc conduits le long du membre et endommagent les articulations, tendons et autres organes non adaptés à ce type de stress d’autant plus que le fer augmente la force de l’impact. Une étude parue dans l’équine veterinary journal montre que les hémorragies pulmonaires avec sang sortant par les naseaux qui surviennent chez 50 % des chevaux de course sont causées en partie par la force d’impact transmise des antérieurs jusqu’aux poumons. Pour la petite histoire, la solution envisagée n’était pas le déferrage mais un changement de sol des pistes.

– Les fers sont posés sur des pieds soulevés, donc sur une boîte cornée rétrécie. Lorsque le pied cherche à fonctionner ainsi, la sole ne peut pas s’aplatir et la phalange bute contre la sole à chaque pas.

– Le fer détruit la fonction circulatoire du sabot car il gêne trop son mécanisme pour qu’elle puisse encore avoir lieu. Le seul mouvement qu’il reste est causé par la descente de la 3éme phalange causant l’écrasement du chorion et une petite expansion latérale des parties supérieures du sabot. C’est grâce à ces restes de mouvements que le sabot peut encore pousser, même s’il pousse moins vite. Le chorion est ouvert et relâché quand le sabot est dilaté. Puisque le fer est cloué sur le sabot rétréci, le chorion est dans un état de compression permanente. On peut comparer cet effet à une bande métallique autour du thorax après expiration. Si la circulation est diminuée, ce sont tous les échanges des nutriments et des déchets au niveau cellulaire qui sont insuffisants. Le manque d’oxygène limite le métabolisme et réduit la thermorégulation. L’équilibre des processus chimiques dans la cellule est gêné, ce qui entraîne des problèmes variés et importants : corne de qualité et de quantité insuffisante, maladies rénales et de peau par accumulation de déchets…

– Le pied non ferré touche le sol en talon, roule et s’enfonce par la pince à chaque pas. Le pied ferré, moins flexible induit une augmentation de tension sur les tendons et ligaments causant à la longue des ossifications à leurs points d’insertion et des inflammations ligamentaires et tendineuses plus ou moins chroniques.

– Le fer induit fréquemment une douleur dans la région naviculaire car à force de contrarier le processus de fonctionnement normal du pied, on réduit le diamètre du sabot et on induit une compression allant jusqu’à la déformation de la 3éme phalange (l’os réagit à la pression, c’est le principe de l’orthodontie). Le pied devient alors de plus en plus concave, la zone naviculaire se retrouve alors comprimée ente les barres et le poids du cheval, ce qui conduit à une inflammation et une douleur de cette région.

– La ferrure contracte et déforme le sabot, ce qui entraîne un déplacement des fibrocartilages complémentaires et un déplacement des talons qui vont venir comprimer la fourchette. La paroi des talons ainsi déplacée va transmettre des forces d’impact beaucoup plus importantes et dans d’autres directions que sur un sabot sain. Ces forces venant de plus prés du centre du sabot qu’elles ne le devraient, elles contribuent à réduire ENCORE PLUS le diamètre du pied. De plus, si ces talons sont hauts et jointés, les forces qu’ils appliquent au sabot sont majorées par action de levier et soulèvent d’autant plus les barres vers la région naviculaire qu’ils compriment et enflamment.

– La ferrure des chevaux vers 3 ans induit un non développement de la 3éme phalange qui est normalement encore en croissance.

ALORS POURQUOI SI PEU DE BOITEUX ?

Un cheval dans des conditions de vie optimums, ayant beaucoup de mouvement, des sabots exposés à l’eau quotidiennement, une ferrure correcte renouvelée tous les 6 semaines et maintenant les talons courts paraîtra toujours sain. En effet ; il ne peut pas détecter lui-même les dégâts puisque ses nerfs ne fonctionnent pas correctement à cause du manque d’irrigation sanguine. C’est à peu prés comme travailler par grand froid sans gant. On ne sent pas la blessure du doigt engourdi. C’est ainsi que quand un cheval « sain » boite au retrait de ses fers, ce n’est pas « parce qu’il ne peut pas marcher sans fers » mais parce que le fer a causé puis caché des dégâts dans le sabot.
Lorsqu’un cheval ferré devient boiteux, c’est parce que la douleur a atteint le tiers supérieur du sabot, zone qui garde un certain mouvement donc un peu de circulation et de sensibilité. Si il y a des dégâts dans cette région, le cheval deviendra également boiteux avec des fers car dans ce cas, la fonction nerveuse qui continue peut acheminer, par exemple, une douleur naviculaire. Des fers « orthopédiques » réduisant encore plus le flux sanguin et par ce fait le fonctionnement des nerfs bloquent la douleur du cheval que l’on croit soulagé mais amplifient en fait le problème tout en le masquant. Pour la même raison, le cheval ne ressent la douleur d’un abcès que lorsque le pus monte dans le pied.
Maints chevaux ferrés présentent un basculement de la 3éme phalange, pointe de la phalange inclinée contre la sole. Pourtant c’est seulement quand on enlève les fers qu’ils deviennent boiteux.

CONDITIONS A REUNIR POUR ENVISAGER DE DEFERRER :

• Beaucoup de respect des forces en jeu
• L’envie
• Le temps
• S’entourer de professionnels compétents, ayant du recul et diplômés
• Se former un minimum au parage
• La possibilité de donner quotidiennement un maximum de mouvement au cheval
• La possibilité pour le pied d’être exposé à l’eau tous les jours

ETAPES DE LA TRANSITION VERS DES PIEDS SAINS :

Pas de tout repos !
Au retrait des fers, la paroi s’effondre vite, surtout tant qu’il reste des trous de clous, la corne, trop affaiblie n’est plus en mesure de subir l’usure normale. Cependant, dés le premier parage physiologique, la circulation commence à se réinstaller. 
Les lésions du podophyle commencent à guérir ; processus qui peut s’étaler sur plusieurs mois. Une paroi de meilleure qualité commence à pousser à la vitesse de 1 cm par mois environ.
Il résulte de la reprise de la circulation une sensation désagréable, voir douloureuse. La douleur est le résultat de la libération des toxines résultant de la nécrose des tissus mal irrigués durant trop longtemps. Le tissu endommagé est réparé, le tissu nécrosé dissout. Si il y a peu de nécrose, le sang est en mesure d’assurer son transport vers les organes d’épuration. Si le volume de nécrose est important, il se collecte sous forme d’abcès. Ces abcès peuvent rester froids ou se compliquer. Cette phase d’élimination peut durer plusieurs mois en fonction des lésions. On peut aider le cheval en lui donnant un drainage hépatique et rénal en homéopathie ou phytothérapie.
Le cheval ressent aussi des douleurs dues au rétablissement des mouvements du sabot. Tous les tissus internes ainsi que les cartilages complémentaires doivent retrouver leur élasticité.
Privés de leurs mouvements naturels pendant des années, le retour à la normale provoque une sensation étrange, qui crée des hésitations. S’il y a des problèmes plus sérieux, comme des ossifications, il faut prévoir plus de temps pour la guérison.
Le parage physiologique a aussi pour but d’élargir les sabots contractés comme le sont ceux d’une grande majorité des chevaux ferrés, ce qui ne se fait pas non plus sans une inflammation qui dure de quelques jours à quelques semaines.
Durant toute la transition, il ne faut pas hésiter à avoir recours aux easy-boots. Passé les processus inflammatoires du début de la transition, elles permettent de monter le cheval sur tous terrains et par là même d’accélérer le processus de guérison.
Il faut aussi s’assurer que les sabots sont quotidiennement exposés à l’eau afin d’hydrater la corne et d’assurer sa souplesse (surtout pas de graisse, d’huile ou tout autre produit plus ou moins chimique).
Il est important de pouvoir soi même réaliser un petit parage d’entretient car certains chevaux demandent des ajustements jusqu’à 2 fois par semaine.
Enfin, le plus important à retenir pour obtenir puis conserver un cheval aux pieds sains est de ne jamais perdre de vue que c’est le MOUVEMENT qui reste l’ingrédient le plus important. Il faut pouvoir se rapprocher par tous les moyens des 15 Km/jour que ferait un cheval libre.

CONCLUSION :

Pieds ferrés, pieds sans fers, vaste débat… mais si ce n’était qu’une partie émergée de l’iceberg ? C’est en effet une des aberrations que nous faisons vivre aux chevaux, mais loin d’être la seule. Il ne viendrait à l’idée de personne d’élever un dauphin dans une baignoire mais nous élevons nos chevaux en box, eux ces marcheurs infatigables, nomades vivant en troupeau, que nous coupons aussi du contact de leurs congénères. Que penser de la drôle d’idée de leur mettre un bout de métal dans la bouche, reposant sur de fragiles gencives parcourues de nerfs ? Est-ce par peur ? L’humain soit disant si intelligent n’aurait il pas d’autre solution pour contrôler un cheval que par la douleur ? Nous avons aussi inventé les couvertures qui détruisent les merveilleux mécanismes de thermorégulation dont sont pourvus nos chevaux et les fragilisent à l’excès. Ou encore les protections de membres qui gênent la circulation sanguine, et endommagent à la longue les tendons. Ne parlons même pas de la nourriture : d’un herbivore strict broutant 15 h par jour, nous nous acharnons à faire un granivore mangeant 3 fois 20 min par jour, ce qui détruit son système digestif, porte ouverte aux coliques, ulcères et autres réjouissances. Pourquoi ? L’équitation est affaire de tradition, le poids de l’habitude se fait donc bien sentir et pourtant… quel bonheur de galoper dans la campagne sur un cheval au pied sur, en pleine possession de ses moyens physiques, de réaliser des mouvements complexes de dressage sans être obligée de coller 500 grammes de quincaillerie plus une gourmette dans la bouche de celui qui a déjà la gentillesse de me porter sur son dos ou tout simplement, de s’asseoir là dans un coin de pré et de regarder vivre ces animaux si exceptionnels qui nous amènent à nous poser tant de questions et nous aident à devenir … moins inhumains.

Pour en savoir plus : Un sabot sain pour une vie saine du Dr. Vét. Hiltrud Strasser, Editions KWASTEN.

Commentaire (1)

  • Baumgartner Véronique Répondre

    Merci de faire partie de ceux qui se soucient du bien être des chevaux, de la nature tout simplement, qui font voir l’invisible aux yeux du commun !
    Véronique

    1 novembre 2014 à 18 h 32 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *