Comportement : cause ou conséquence

fond jao

Comportement : cause ou conséquence

Sur une de mes tournées, j’avais 3 chevaux présentant le même comportement. Envahissants ! Venant systématiquement au contact, insécurisants.

Que faire dans ce cas ? Enquête… 🔎

Je pourrais vous dire que CE comportement appelle UNE réponse (faire respecter sa bulle/espace personnel imposant au cheval de garder ses distances… par exemple 😬). Je pourrais, mais ce serait faux.

Reprenons cas par cas.

➡️ 1er cheval : une ponette d’1m20. Grégaire mais sans plus, bousculante, n’écoute l’humain que si le licol agit, ne VEUT pas s’écarter cela la met en colère qui s’exprime en cabré et/ou tentative de fuite.

🔎 Je repère un manque d’autonomie chez cette ponette, ainsi qu’une piètre opinion de l’humain et de ses capacités à s’exprimer. En questionnant sur son passé, tout s’explique. Elle était louée pour faire faire des tours à poneys aux enfants. DONC elle a été tenue et conduite par des parents qui ne connaissaient rien aux chevaux et qui avaient plus ou moins peur pour leur enfant qui était sur le dos de la ponette et qui tentaient avec les moyens du bord de l’empêcher de brouter !

Elle a donc APPRIS à ne répondre qu’à des sollicitations marquées sur le licol et à trouver normal d’être tenue court et donc d’être collée sur l’humain.

➡️   Pour elle, on a travaillé la qualité de présence. Qu’elle nous voie et qu’elle nous sente, qu’elle identifie que nous sommes plus larges que notre seul corps physique. Nous avons aussi travaillé sur la finesse et la précision de la communication en faisant de chaque pas un moment important. Un moment ou nous lui indiquions précisément quelle distance, quelle allure et quelle position lui étaient proposées sans que cela passe forcément par le licol. Sans monter dans l’émotion. avec calme, bienveillance et fermeté. Sans craindre de répéter jusqu’à ce que ce soit précis. Ce travail l’a vite calmée et rassurée.

➡️2éme cheval : une grande ponette d’1m40. Grégaire, très insécurisante, je la sens tout de suite potentiellement dangereuse, ce que les propriétaires me confirment.

🔎 La première chose que je vois, c’est un état de carence. Les propriétaires me confirment qu’elle vient d’un endroit ou elle n’avait pas accès au foin car elle était chassée par tout le groupe et qu’en plus, elle travaillait beaucoup. Ils ont déjà tout mis en oeuvre pour l’aider, rien à faire de plus de ce côté là.

Je pose les mains sur elle, ou que je touche, elle fuit le contact, comme si tout son corps n’était que douleur. Son tonus musculaire est trop important, elle est dure comme du béton. Les masses musculaires sont mal réparties, tirant le squelette dans des directions non fonctionnelles. Je repère vite qu’elle n’a en fait AUCUNE conscience de son corps. Elle ne le situe pas dans l’espace. Elle bouscule mais sans faire exprès. Elle suit juste ses idées sans COMPRENDRE que cela fait bouger aussi 300 kg de muscles et d’os. Je n’ai JAMAIS vu un cheval aussi déconnecté de son corps. 

👉 Pour elle, travailler la mise à distance serait juste criminel de mon point de vue. Elle ne situe pas son propre corps dans l’espace. Elle n’en a pas la maitrise. Elle n’a aucune confiance en l’humain. La mettre à distance reviendrait à le mettre encore plus en panique intérieure. Je commence donc un travail sur la nuque et l’encolure car c’est la zone la moins inconfortable au toucher pour elle. Pour doucement lui rappeler que toutes ses vertèbres cervicales sont sensées être articulées. Je reste dans le calme et la sécurité intérieure, je l’accompagne dans ses déplacements plutôt que d’essayer de les contrôler. Je ressens que l’humain a toujours été source de conflit et d’incompréhension pour elle, alors tout en étant pleinement là, je me fais discrète pour qu’elle voie que cela peut être autrement. Petit à petit sans aller contre elle, je peux l’amener à organiser nuque et vertèbres pour qu’elle se retrouve en flexion latérale. Et là, on se rend compte qu’elle ne sais pas quoi faire. Son schéma habituel est : encolure courte et haute. Encolure pliée et horizontale, elle n’arrive pas à la redresser. Elle suit son nez, fait une petite volte sur elle même pour se redresser. Ça me fend le coeur de voire combien elle est abimée. Et ça laisse imaginer de quelle patience, empathie et bienveillance les propriétaires vont devoir faire preuve pour l’aider à se retrouver. Et pourtant… derrière toute cette détresse, il y a une petite jument infiniment calme et généreuse. Je le sens.

➡️ 3ème cheval : un petit paint. 4 ans, 1m45. Sympa, bien éduqué, sans souci particulier si ce n’est qu’il est pataud,  un poil hyperlaxe, fort infléchi à gauche et vaguement têtu. Soucis identifiés par la propriétaire : ne tourne pas à droite monté, ne part pas sur le cercle en longe et envahit.

🔎 Pour le tourner à droite, on est sur une normalité ! Un cheval qui a son bloc d’épaules déporté à droite a forcément du mal à s’incurver à droite alors en plus si il est pataud et un peu têtu..

👉 Mais comme il ne demande qu’à apprendre, en deux exercices, c’est réglé, plus qu’à reproduire assez régulièrement ces exercices pour le symétriser et cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

Pour l’aspect envahissant, je remarque que c’est dés qu’il identifie un potentielle demande ou il devra bouger seul. Cela l’inquiète vaguement. J’en parle donc avec la propriétaire qui m’explique qu’elle ne le comprend pas. Qu’elle fait comme avec son autre cheval (qu’elle a parfaitement éduquée) mais que cela ne fonctionne pas. Je comprends alors le problème. Son autre cheval est une jument pleine de force, très sensible et avec laquelle il vaut mieux négocier que d’être frontale. Lui est différent. Il a besoin de demandes claires, franches et qui vont jusqu’au bout. Sinon, il ne comprend pas, se lasse et s’inquiète. Pour éviter ça, il a trouvé ce moyen : envahir pour faire cesser la demande.

🧐 C’est donc encore un autre cas. La première ponette avait besoin de VOIR quel espace un humain prend normalement, la deuxième de réintégrer son corps pour SAVOIR se situer par rapport à nous et lui que l’on METTE À SA PORTÉE l’exercice.

Vous voyez à quel point le travail est différent dans les 3 cas ? Et combien il est important de considérer un comportement comme la partie émergée d’un iceberg ?

Le comportement en lui même n’est rien. Il n’est qu’un signal. Ce qu’il faut repérer si l’on veut aider efficacement le cheval en étant juste, c’est ce qui MOTIVE ce comportement.

C’est en comprenant les causes que l’on peut le modifier sans dommage pour le cheval, ce qui suppose de considérer les comportements comme des CONSÉQUENCES et uniquement comme tels.

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