Pourquoi les chevaux de trait vont sauver le monde (si le monde accepte…)

Triskell 3/4 trait

Pourquoi les chevaux de trait vont sauver le monde (si le monde accepte…)

Etrange titre en vérité ! Qu’est ce qui peut bien pousser quelqu’un à écrire cela me direz vous ? Vous auriez raison, moi même j’aurais été la première surprise il y a encore deux ans…

Le début de l’aventure

SireIl y a deux ans : Lamballe, championnat régional des Chevaux de trait breton, un concours d’élevage donc. Des traits partout, tous âges, toutes robes, magnifiques. Des éleveurs partout, tous âges, toutes tenues… et nous. Pour les yeux de tous, une splendide journée, pour nos yeux, l’horreur absolue : de coups de sonnettes sur les mors aux déchainements de chambrières, de farines douteuses comme aliments aux chevaux en sang, des tord nez aux tord oreilles, rien ne nous sera épargné… et la peur ou la résignation dans les yeux de tous ces chevaux… nous nous enfuyons au bout de ¾ d’heures. Désolés pour les éleveurs sympas et amoureux de leurs chevaux, il y en avait surement mais dans la masse, nous ne les avons pas vus. Mais quelle gentillesse de la part de tous ces chevaux ! Si ils voulaient, tous ces gens ne seraient rien face à 8 ou 900 kg de muscles, nous sommes si émus de la bienveillance dont ils font preuve même dans ces circonstances.

Une certitude alors pour nous qui voulions dans un futur lointain avoir un trait : Il ne faut pas qu’il ait connu ça. Le soir même « par hasard »en cherchant les mots clés pour trouver des traits non manipulés, je tombe sur… Sire. Ce n’est absolument pas le moment pour nous de racheter un cheval, même pas cher, encore moins un entier, mais « les folies sont les seules choses que l’on ne regrette jamais » n’est ce pas ?

Sire et Triskell

Triskell 3/4 trait Sire arrive, nous découvrons alors l’incroyable sensibilité de ces gros chevaux, leur infinie envie de bien faire, leur prévenance vis à vis de l’humain, leur bonté au quotidien… des anges chevaux.

Après cette première expérience, le virus est attrapé, lorsque vient l’heure de mettre Lombard et Chipie à la retraite, c’est vers un trait ou croisé trait que j’oriente mes recherches. C’est Triskell, ¾ cob normand qui rejoindra notre équipe d’Arcand. Encore une fois c’est l’étonnement, une jument d’une réceptivité incroyable, qui a toujours envie de travailler, d’apprendre. En quelques mois, elle travaille en liberté au sol et montée comme si elle avait toujours fait ça, elle s’adapte aux adultes, aux enfants, à mes élèves handicapés, fait de la voltige… je fonds devant tant d’envie de donner.

Vendanne, la puissance de l’amour

Puis aujourd’hui, Venndane. Une montagne de muscles, 7 ans, pas débourrée, quasi pas manipulée, une beauté bretonne d’au moins 800kg. Le licol, elle connait, elle accepte sans problème que je lui passe, marcher avec moi, elle accepte aussi mais plus nous avançons vers l’endroit ou elle « travaille » d’habitude plus je la sens mal à l’aise derrière moi. Elle agite la tête, se tend.

Triskell, 3/4 trait bretonPourtant, même dans un pré de plusieurs hectares, avec une inconnue au bout de la longe et une éducation minimum voir absente, elle prend le temps de m’envoyer tous les signaux exprimant son inconfort. Je les reçois et m’y adapte mais le peu de choses qu’elle fait avec les humains a laissé des traces. Sans que je ne puisse rien faire, je la sens monter en pression et se mettre hors d’elle même elle explose, sans pour autant à aucun moment me mettre en danger, chose très rare lorsque les chevaux sortent de leurs limites émotionnelles. Je note juste qu’elle a la capacité de me faire ressentir exactement ce qu’elle ressent à ce moment là : sa peur, une phobie incontrôlable, la même que celle que certains humains peuvent ressentir face aux serpents ou aux souris, sauf que là je suis la souris… Je suis obligée de la lâcher, elle fait 20 m puis s’arrête, je vais doucement la récupérer.

Elle accepte, toujours avec cette même bonté et d’un coup, c’est comme si il n’y avait plus de frontières d’espèces, de langage ou de temps. Je suis une jument de trait breton qui ne comprends pas pourquoi des fois toute une bande de jeunes qui montent en centre équestre viennent me voir avec des bâtons, pourquoi ils tirent sur ma tête, pourquoi ils veulent me faire tourner en rond, pourquoi ils crient, pourquoi ils ont peur quand ils sont avec moi et si je dois avoir peur en retour, pourquoi ma propriétaire qui m’adore ne se sent pas à l ‘aise avec moi. Soudain j’ai un poignard dans le cœur et des larmes plein les yeux, moi humaine crie à cette jument que NON, travailler avec les humains n’est pas forcément une guerre ! Et tout s’arrête. Venndane pose sa grande tête dans mes bras, soupire, elle reste contre moi pendant que je ravale mes larmes, je regarde sa propriétaire, elle est dans le même état que moi.

Je prends le temps d’expliquer à sa propriétaire la sensibilité infinie de sa jument, sa gentillesse aussi, sa faculté à nous faire ressentir son état intérieur, sa douceur en fait que l’on ne voit car « on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » et les yeux voient un énorme animal d’une puissance inouïe.

La séance se termine, Venndane me suit en gardant le calme dans les yeux, s’arrête juste quand j’y pense, je suis touchée au plus profond de moi même. Je la lâche, elle reste avec nous, paisible et je suis déchirée. Comment faire en sorte que cela n’arrive pas ! Plus jamais ! Comment arrêter ce gaspillage de sensibilité et de bonne volonté des chevaux. Comment faire prendre conscience à mes semblables de leur incroyable générosité. Dans la voiture sur la route du retour, j’en ai encore des montées de larmes. La puissance de la leçon de Venndane était magistrale, quel humain serait capable de surmonter instantanément toutes ses peurs en les remplaçant d’un coup par l’amour (pas d’autre mot possible ici) ?

Alors si le monde accepte …

Commentaires (3)

  • Florence Répondre

    Quel bel article !

    Ces chevaux sont extraordinaires, si seulement le monde entier pouvait s’en rendre compte…

    (je m’excuse déjà d’avance pour la longue histoire que je vais raconter, mais j’avais envie de partager mon incroyable expérience avec ces gentils géants)

    L’année dernière, j’ai eu la chance de pouvoir m’occuper d’une pouliche de trait ardennais (sois disant « à moitié sauvage ») qui s’était entaillé un postérieur lors d’un accident de pré.

    J’ai été surprise et bouleversée par la confiance qu’elle nous a accordée dès le départ, elle qui n’avait quasi jamais été manipulée (elle acceptait le licol et c’était à peu près tout…). Malgré la douleur, elle nous a laissé nettoyer ses plaies sans jamais essayer de se défendre (elle éloignait juste délicatement sa jambe quand c’était trop, mais en gardant dans son regard un douceur infinie), elle a accepter qu’on lui donne ses antibiotiques à la seringue sans bouger. Elle était d’une gentillesse infinie, malgré son manque de délicatesse (c’était encore un bébé, qui ne se rendait visiblement pas compte de sa taille).

    Elle vit maintenant dans sa nouvelle famille (je n’avais malheureusement pas les moyens de prendre en charge un tel gabarit), où elle est choyée à sa juste valeur, vivant au pré avec d’autres chevaux, elle qui avait vécu seule depuis son sevrage. Elle ne cesse de grandir, mais garde toujours son tendre regard de bébé.

    18 septembre 2015 à 11 h 33 min
    • Les chevaux d'arcand Répondre

      Merci Florence, en effet ils sont extraordinaires. Ils ont permis à notre civilisation d’être ce qu’elle est et malheureusement nous leur en sommes bien peu reconnaissants 🙁

      18 septembre 2015 à 20 h 38 min
  • Joanne Gosselin Répondre

    J,ai aidé une voisine âgée quelques fois à s’occuper de son cheval. Je ne connaissais rien au cheval et actuellement encore très peu. Par contre je me souviens d’une expérience où je devais laisser le cheval prendre de l’exercice à l’extérieur qui devait courir en rond(malheureusement) et sa maîtresse (je ne sais pas comment dire cela) était entre moi et et elle. À chaque fois qu’elle ne pensait pas à baisser la tête pour ne pas être accrochée par la corde et que cela me stressait le cheval arrêtait sec. Cela m’a donné le goût d’avoir une relation avec un cheval tellement c’est télépathique pour ainsi dire . Quand à moi je m’aperçois que quand tu es à l’écoute d’un animal, je parle du poisson à n’importe quoi et que tu réussis à t’adapter à l’animal ou autre il y a moyen de les entende et de les entendre

    23 septembre 2015 à 20 h 47 min

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