Après Bernard Sachsé
Ca y est enfin ! Je sens que le dernier stage avec M. Bernard Sachsé est assimilé ! Une bonne semaine, un minimum je pense vu la richesse et la profondeur de son enseignement.
Et surtout… quelques séances avec mes chevaux ! Car comme d’habitude, ce sont eux seuls qui ont la réponse à la question « ai je retenu quelque chose de ces 4 jours ».
Tatonnements
Que c’est dur l’après stage ! Ce flottement entre la plénitude des enseignements reçus et l’idée qu’il faut reprendre le travail. Seule. Pourtant, il faut s’y mettre…
Première séance, mon cerveau essaie de se souvenir, des enchainement d’exercices proposés, des corrections apportées, des centaines de petites phrases si justes et à propos dont Bernard a le secret. Je travaille les deux chevaux au sol puis montés, ils sont là, ils répondent, travaillent juste. Les deux séances sont globalement bonnes mais…
Mais.
Il y a pour mois autant de décalage entre ces séances là et celles vécues avec M. Sachsé qu’entre une reproduction d’un tableau de Van Gogh passée par le temps au mur d’une salle d’attente médicale et beauté brute de l’original ! Il manque les reliefs, les couleurs, l’émotion… Je réfléchis. La forme du travail effectué avec mes deux chevaux est bonne, manque le fond : Comment atteindre le fond ?
Inspiration
Me reviens alors en mémoire une phrase notée en travers dans la marge du cahier qui me sert à recueillir les délicieuses citations que distribue généreusement cet écuyer de génie. J’ai noté : « Il occupe l’espace par la parole mais en réalité c’est pour laisser le temps à ce qu’il a dans la tête de passer dans le corps du cheval ». Me reviennent alors les nombreuses fois où il parle de « l’ambiance » qu’il faut savoir installer pour chaque cheval et chaque séance (et accessoirement en tant qu’enseignant, pour chaque cavalier).
Je me rends compte en effet que c’est une immense force de cet écuyer de pouvoir choisir exactement les qualités qui vont être nécessaires au couple qu’il a en face de lui pour se transcender.
Calme. Rigueur. Détachement. Energie. Joie. Vigilance. Gravité. Exigence. Humour. Puissance. Douceur. Etc. Il pioche dans la gamme les 2 ou 3 adaptées et les implante dans le manège durant une heure en ne laissant la place à rien d’autre sauf quand le cavalier résiste, se privant ainsi de la quintessence de sa séance.
Application
Séances suivantes… Je décide de faire confiance à mon corps pour ressortir ce qu’il a appris au moment opportun sans que « j’y pense». Je me mets d’accord avec mon cerveau pour qu’il fasse juste son boulot sans devenir omniprésent. Et je me replonge dans les qualités choisies par Bernard pour chacun de mes chevaux lors du stage.
Sire…
Sire d’abord. Il avait mis une ambiance de bienveillance amusée doublée d’une hyper vigilance et d’une pointe de rigueur. C’est donc à cette vibration que je me reconnecte.
Première constatation, dés la préparation du cheval, je retrouve mon naturel dans la relation avec mon Sire, l’espèce d’atmosphère semi guindée de la séance précédente a disparu, ouf !
Travail au sol, je veille à « rester dans l’ambiance » et me retrouve pleinement heureuse ! Je constate que je n’ai qu’à laisser faire ! Mon corps reçoit toutes les informations venant du cheval et y répond avec justesse, mon cerveau intervient à propos, quand j’ai besoin d’un point de vue plus analytique sur une action, le cheval se sent bien dans ce « bain » et je peux juste rester tranquille à l’intérieur de moi même pendant que tout ça se fait. C’est reposant et quasi magique…
Je monte. Le travail au pas se déroule comme dans un état second, l’échange avec Sire passe bien, je propose, il s’adapte, il exprime quand il ne comprends pas parfaitement ou que c’est dur, je m’adapte, c’est facile, tranquille, l’équilibre est là. J’attaque le trot, tiens… l’harmonie se rompt. Je fait le point… Que se passe t’il ?
Je constate que dès que je trotte, je ne suis nulle part et de nouveau submergée par mille choses à faire ou à corriger, ce n’est pas normal. Ais je perdu « l’ambiance ». Non. Mon cerveau a t’il repris le contrôle des opérations ? Non. Que fait donc mon corps ??? Il est dans des fonctionnement inadaptés, cherchant à donner de la cadence et du brillant en se contractant. Je relâche tout ça et me raccroche aux notions de rythme, j’étais en train de m’occuper des temps de l’allure mais pas des intertemps. J’entends Bernard : « Ton cheval fait tic, tic, tic, fais lui faire dooong, dooong, dooong ». Ok.
Je ne fais qu’y penser et immédiatement, Sire s’allège et s’arrondit, le temps de suspension augmente, son dos redevient confortable et dans un futur lointain, le trot d’école et le passage se dessinent. Je saute en marche et le félicite, quelle leçon pour moi… à quoi tiennent les choses…
Tzaroum…
Tzaroum maintenant. Pour lui, on était dans quelque chose d’une extrême prévenance et en même temps complètement monacal, presque une ascèse. Etat pourtant marqué par une exigence : ne pas laisser le cheval se complaire dans sa fragilité.
Je me glisse dans ce monde là, il me va bien, je l’habite facilement. Tzaroum qui fut toute sa jeunesse un incontinent émotionnel s’y retrouve bien aussi, c’est calme, conscient, dense, il prend naturellement de la force et du charisme au contact de ces qualités là.
Travail au sol, ce n’est pas sa partie préférée mais vu sa conformation et sa fragilité, je me dois d’organiser et d’échauffer ses muscles et son squelette avant de le faire porter. L’ascèse, la prévenance et l’exigence font bon ménage pour que je reste profondément tranquille quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, que je tienne bon pour l’amener à la frontière haute de ses limites physiques ou que je multiplie les pauses pour rester cohérente avec ces mêmes limites. Les cessions, épaules en dedans, appuyers, reculés s’enchainent sans heurts, nous finissons par un peu de diagonalisation en cherchant l’appui dans le sol et la détente boulets/jarrets plus que la flexion du rein pour l’instant, parfait.
En selle. Je retrouve très vite l’état proche d’une transe de ma dernière séance de stage. Je sais que je ne dois faire qu’une chose, faire constamment un examen à moi même pour aller de plus en plus loin dans le relâchement profond des muscles gymnastiques (ceux qui commandent les mouvements volontaires), pour n’être plus qu’un squelette soutenu et verticalisé uniquement par ses muscles posturaux. Plus je laisse mes jambes s’étendre vers le sol, plus ma colonne se tient, plus j’entre DANS le mouvement du cheval, moins j’ai à agir, juste conscientiser la hanche ou l’omoplate qui doit exister ou s’effacer, c’est si fin… Le cheval se sent bien dans cette ambiance de cathédrale où j’existe sans exister c’est aussi très puissant. Trois allures, deux pistes, tout s’enchaine, je ne suis pas une bonne cavalière, il n’est pas un « bon » cheval mais nous travaillons juste, moi pour apprendre, lui pour se réparer. N’est ce pas le seul but de l’équitation ?
Je descend, il vient de s’arrêter bien carré, il est très calme et en même temps il se tient, il reste quelques minutes immobile, comme pour gouter à cet état, je vois dans ses yeux que aujourd’hui, le fond et la forme étaient juste pour lui. C’est la paix qui m’envahit.
Pour finir
Aujourd’hui j’ai travaillé Tzaroum tôt ce matin sur la carrière d’Arcand, qui était d’une sérénité absolue. La lumière du soleil à travers les sapins posait de l’or partout par petites touches, il y avait un peu de brume au fond de la vallée, la température était douce et nous étions tous les deux dans notre ambiance monastique à jouer avec la vie…
Je vous souhaite juste du fond du cœur de vivre ça au moins une fois.
Commentaires (2)
Chaque article me plonge un peu plus dans ton monde. Tu exprimes ton ressenti avec tant de douceur et de passion ! As tu déjà songé à l’écriture d’un livre Claire ?
Merci tout plein Pauline 🙂 Je découvre ton monde avec plaisir également au fil des photos que tu publies régulièrement, c’est chouette de voir du travail juste ! Quand à écrire un livre… tu n’est pas la seule à avoir évoqué cela mais… je n’en m’en sens pas la capacité !